Je nâavais pas Ă©coutĂ© la radio. Une amie dans la journĂ©e mâa tĂ©lĂ©phonĂ© : « Ton idole a foirĂ© sa chronique ce matin, il nâavait rien prĂ©parĂ©, apparemment ils vont le virer ». Jâavais souri. Pourquoi quitter France Inter comme tout le monde ? TĂŽt ou tard, il en ferait un livre.
N’est-il pas gĂ©nial et improbable, ce smiley imprimĂ© sur la couverture jaune cĂŽtelĂ©e des Ă©ditions Grasset ? Ceux qui critiquent avant dâavoir lu doivent bien avouer quâils nâont jamais vu ça. Quiconque parvient Ă raconter son suicide a le droit d’imposer son audace. Oui, il sâagit bien dâun suicide en direct. Il est venu sans feuille, juste avec une jolie gueule de bois, et il nâa rien dit, ou pas grand chose. Comme il le dit lui-mĂȘme, il aurait dĂ» ne pas venir. Oui mais voilĂ , FrĂ©dĂ©ric Beigbeder est trop bien Ă©levĂ© ou pas assez, et surtout, il nâavait plus envie de faire rire.
C’est un secret pour personne : Octave Parango, son double littĂ©raire, nâest pas vraiment un modĂšle de vertu. Câest lui qui arpente Paris les mercredis soirs en poussant le chroniqueur Ă sortir, regarder les filles et ingurgiter un panel de substances illicites âchacun se prĂ©pare comme il peut avant de passer Ă lâantenne. Le job Ă©tait le suivant : faire l’aller-retour Ă Paris pour 3 minutes de chronique hebdomadaire, rivaliser dâinventivitĂ© pour maintenir lâaudience et son statut dâ« humoriste le plus Ă©coutĂ© de France ». Vraisemblablement, il nây prenait plus de plaisir, et ce livre explique pourquoi.
Regardez de plus prĂšs cet Ă©moticĂŽne qui « pleure de rire », vous donne-t-il vraiment envie de sourire ? Non, on dirait le mĂ©lange d’un clown et d’un masque de Scream. Il est grotesque et effrayant. « La drĂŽlerie est devenue obligatoire » et toutes les Ă©poques et les sujets ne s’y prĂȘtent pas. Octave se remĂ©more avec nostalgie ses annĂ©es folles, oĂč le ton Ă©tait libre, sans doute beaucoup plus quâaujourdâhui. Ă travers cette dĂ©ambulation nocturne, Octave revient sur son passĂ©, ses rencontres, ses soirĂ©es, fait des dĂ©tours par le monde de la politique, celui de la radio et de la littĂ©rature.
Ce livre est un grand cri de rĂ©sistance, non seulement contre lâuniformisation de l’humour et de ses codes, mais aussi contre le temps qui passe et la biensĂ©ance. Beigbeder nâa jamais autant Ă©tĂ© Beigbeder, drĂŽle, subversif et en phase avec son Octave intĂ©rieur. Il l’avoue avec humilitĂ©, mĂȘme auprĂšs de la plus belle femme du monde, ce n’est pas Ă©vident de faire le grand-Ă©cart des vies, de cĂ©lĂšbre dandy parisien Ă celle du papa de Tchoupi dans le Sud-Ouest… Le dilemme est rĂ©pandu, « il y a un Octave qui sommeille en tout homme. C’est lui, qui, le soir de NoĂ«l, a envie de finir la prune cul sec. »
Ce texte raconte la peur universelle du bonheur, il explore les forces destructrices et crĂ©atrices qui sâagitent en chacun de nous. SincĂ©ritĂ© et pudeur se disputent le propos de lâinadaptation au rĂ©el. Source inspirante de libertĂ© et dâaudace que je nâai jamais retrouvĂ©e chez personne, FrĂ©dĂ©ric Beigbeder nâose pas, il sur-ose. Il ne se met pas Ă nu, il nous offre son squelette aux rayons X. Il ne se drogue pas, il invente un paradis perdu. Il ne se suicide pas, il sublime sa part sombre. Ce nâest pas exagĂ©rĂ©, câest surrĂ©aliste.
Rien nâest grave aprĂšs tout, tant que cela sert la littĂ©rature. Demeure l’Ă©ternelle question : peut-on tout oser dans la vie si câest pour lâĂ©crire un jour ?
Extraits
« Aujourd’hui, la drĂŽlerie est obligatoire. Les prĂ©sentateurs plaisantent, les hommes politiques badinent, les chauffeurs de taxi galĂšjent, mĂȘme les pilotes d’avion et les conducteurs de train tentent des annonces comiques au micro. La grande rigolade est universelle. Le monde entier se gondole en mĂȘme temps qu’il se rĂ©chauffe. »
« L’humour est une dictature parce qu’il n’autorise jamais de droit de rĂ©ponse. »
« Je suis souvent en retard et bourrĂ©.
J’aime voir l’aube, quand le ciel prend une couleur de Bellini : un ciel qui mĂ©lange le champagne et le jus de pĂȘche, voilĂ tout ce que je demande Ă la peinture vĂ©nitienne.
Je me dĂ©teste tellement que je suis obligĂ© de prendre un Viagra pour me branler. »
« Le sarcasme des humoristes est gĂ©nĂ©ralement prĂ©sentĂ© comme la rĂ©ponse indispensable Ă l’arrogance des puissants, mais ne perdons pas de vue qu’il est aussi la vengeance des impuissants. »
« Nous vivons sous le joug du smiley. Le smiley est une onomatopĂ©e dessinĂ©e, un borborygme illustrĂ©, une rĂ©duction du langage a minima. Les ennemis de l’intelligence auront gagnĂ© quand les romans auront pour titre ces petits visages Ă la symĂ©trie stupide. Hihiho. »
Bon, alors lĂ , aprĂšs la lecture de cette chronique, je me prĂ©cipite chez mon libraire…
Moi aussi, je l’ai entendu sur FI …et j’ai pensĂ© la mĂȘme chose .
Pourtant, je ne suis pas tjs d’accord avec sur ( voir La Dispute sur FC)
Ma đł va m’en vouloir ! đ
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Ton banquier te pardonnera jâen suis sure, fonce !
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đđ
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Un auteur que je n’ai jamais lu, mais qui a mauvaise presse auprĂšs de certains !
Tous mes voeux pour 2020 et de bonnes lectures !
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Merci beaucoup pour ce commentaire trÚs belle année à vous aussi !
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Un auteur qui reste jeune et n’hĂ©site pas Ă bousculer l’Ă©tabli. Une luciditĂ© acĂ©rĂ©e vis-Ă -vis des autres et de lui-mĂȘme. Un amoureux de la libertĂ©, exigeant, Ă©lĂ©gant. J’aime.
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Oui! Libre et brillant !
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Ma premiĂšre activitĂ© de la mĂątine a Ă©tĂ© de m’acheter ce dernier opus des aventures sous paradis artificiel d’Octave Parango. Mais je pense qu’il vaut mieux tout oser en littĂ©rature plutĂŽt que de le vivre un jour. Dans certain cas, c’est bien plus sain.
Belle journée Agathe !
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Sage et pertinente remarque !!! Tu me diras ce que tu en penses !!đ
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Verdict : j’ai retrouvĂ© sa plume irrĂ©vĂ©rencieuse qui me plait temps, avec un je en sais quoi de maturitĂ© qui lui fait gagnĂ© en qualitĂ©. J’ai beaucoup aimĂ© đ
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je vais me prĂ©cipiter aussi les extraits me plaisent et je n’ai rien lu de Beigbeder depuis longtemps, trop longtemps đ
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Tu devais passer un bon moment !!đâđ»
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Bonjour Agathe ! Et d’abord bonne annĂ©e ! Belle chronique en ce matin de janvier ! J’avoue n’avoir pas lu Beigbeder depuis longtemps, et ce n’Ă©tait pas forcĂ©ment celui que j’Ă©coute sur FI, mais j’avais entendu son plantage en direct, et m’Ă©tais mĂȘme demandĂ©e si tout ça n’Ă©tait pas magnifiquement orchestrĂ©, comme si Octave Ă©tait venu Ă la radio envoyer tout balader. Bref, ta publication m’a donnĂ© envie de me plonger dans cette histoire de smiley đ ! Belle journĂ©e Ă toi, Sabrina.
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Merci pour ta curiositĂ©, n’hĂ©site pas Ă me donner ton avis si tu le lis ! et bonne annĂ©e Sabrina đ
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Un des dernier dandies. Désespéré et désespérant. Si terriblement Parisien. Entre humour et sarcasmes. Il se lit facilement. Pour une nuit blanche et solitaire.
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TrĂšs belle annĂ©e ! Je l’ai mis en rayon ce matin, j’ai hate de le lire !
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